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june

Te détester
ou t'aimer

— Bonjour, Billy.

— Bonjour, petite fleur.

— Vous êtes seul ?

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      L’appréhension que Billy décela dans la voix de la jeune femme l’amusa davantage. De prime abord, ces deux-là donnaient l’impression de se détester et pourtant, si on prenait la peine de bien les observer, leur affection mutuelle crevait les yeux. La preuve : elle était là. Mais Billy les connaissait bien, tous les deux. Il les savait fiers et têtus, ce qui expliquait pourquoi ni Junior ni June n’avait osé se déclarer. Il espérait seulement que les barrières de ces deux âmes sœurs tomberaient, et rapidement, avant qu’il ne soit trop tard.

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— Continue ton chemin et prends à droite au ruisseau, lui indiqua-t-il.

— Pardon ?

— C’est là qu’il se terre.

— Comment saviez-vous que…

— Allez, va ! Il a besoin de toi.

— De moi ?

— Oui, petite fleur, de toi… et personne d’autre, ajouta Billy, avant de donner le signal à son attelage de reprendre la route.

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      Abasourdie, June fixa l’homme qui passait à côté d’elle. Junior avait besoin d’elle ?…

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— Billy ! Attendez !

— Je te le confie ! cria-t-il sans s’arrêter. Je vais informer Tennessee que son fils va bien. Je rappliquerai demain si jamais tu n’arrives pas à le convaincre de rentrer avant.

— Mais… Pourquoi moi ?? lança-t-elle en dernier recours.

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      Le rire gras de Billy qui flottait dans l’air n’eut pour seul effet que d’accroître son exaspération. Ce n’était pas la première fois qu’elle se demandait si cet homme avait toute sa tête, ou bien s’il était doté d’un sixième sens. Spectateur en retrait, il observait la vie en silence et, bien qu’il fût homme de peu de mots, ceux-ci étaient toujours emplis de vérité et de réflexion. Il était le maître des clés, pour toutes ces serrures de la vie qui semblaient impossibles à ouvrir. Pour cela, elle avait appris à le respecter. Et à ne jamais mettre ses paroles en doute.

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      D’un léger coup de talons dans les flancs de l’animal, June s’engagea sur le chemin indiqué. Les murmures du ruisseau résonnaient autour d’elle et, comme le lui avait dicté Billy, elle fit bifurquer sa jument vers la droite lorsqu’elle atteignit le cours d’eau. Un nuage de fumée blanche s’élevait dans les airs. Elle n’eut qu’à le suivre pour trouver le campement de Junior.

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      Elle descendit de son cheval et noua la bride autour d’un arbre avant de s’approcher discrètement. Ne sachant pas dans quel état d’esprit il était, elle préférait étudier la scène en retrait plutôt que de se dévoiler tout de suite. Une tente avait été dressée. Devant celle-ci, outre le feu, elle ne vit qu’une caisse de bois, dont dépassait le goulot d’une bouteille. Aucun signe de Junior.

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      Le craquement soudain d’une branche lui fit faire volteface dans un début de panique, mais bien vite elle expira de soulagement, la main sur le cœur, lorsqu’elle constata que ce n’était que Junior qui était apparu derrière elle.

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      L’apaisement fut rapidement remplacé par cette tension qui, très vite, s’imposa et les engloba. Déjà en nage à cause de sa chevauchée, June eut l’impression qu’elle prenait feu sous son regard incendiaire. Une goutte de sueur se fraya un chemin de sa tempe à la ligne de son cou, pour ensuite sinuer entre ses seins… tout comme les yeux, foncés par la convoitise, de l’homme devant elle.

Extrait

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