
LA PASSION OU LA RAISON
Une fois dans la cabine de douche, Jeffrey suspendit la serviette à la cloison de bois et retira son caleçon. Avant que l’eau ne recouvre son corps, il ôta la chaîne qui pendait à son cou, à laquelle était passé son médaillon. Il ferma les yeux pour apprécier la tiédeur de l’eau qui ruisselait sur sa peau. Tandis qu’il se frictionnait avec le savon, son cerveau était assailli par une tonne de souvenirs, par des images de son sourire, par son visage.
Il renversa la tête pour se rincer. Peu importe ce que contenait cette lettre, il avait le pressentiment que sa vie s’apprêtait à être chamboulée, et cela lui retournait les entrailles. Il s’essuya sommairement et noua la serviette sur ses hanches. Son bien le plus précieux retrouva sa place autour de son cou et, après avoir emprunté une nouvelle fois l’escalier, il passa la porte de sa chambre.
Du bout de son index, il fit glisser la missive jusqu’au bord du meuble et, lentement, il s’installa sur le lit pour la lire. Les coudes appuyés sur ses genoux, il fit céder le nœud en tirant sur la cordelette et inspira un grand coup avant de déplier le papier. Le message était bref et concis.
Deux phrases, pour être précis. Deux phrases claires, qui virent s’abattre sur lui le poids de cette fatalité qui pend au nez de tous.
Ainsi donc, Abraham Kent était mort... et il n’avait pas même eu le loisir de regarder la vieillesse lui ravir sa vigueur : un serpent avait mordu son cheval qui, affolé, l’avait propulsé hors de selle. Le cou cassé dans sa chute, le patriarche était mort sur le coup.
Et ainsi donc, le notaire Jake le convoquait à la lecture du testament.
Jeffrey se passa les doigts dans les cheveux et laissa retomber le bras qui tenait la lettre.
Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?